Du grincement des sièges pleyelois
A Pleyel, on peut évaluer le succès d'un concert, d'une oeuvre ou d'un mouvement, au grincement des fauteuils de la salle.
Exemple avec le concerto de Tabakov : 2 mouvements.
- Le premier, calme et planant, l'orchestre formant un tapis sonore d'où se détachent les flûtistes, postés au milieu des violons de chaque côté de la scène. On se tortille, se redresse ou s'affale : les grincements sont fréquents et insupportables pour tout ouvreur qui se respecte.
- Le deuxième, beaucoup plus rythmique, virtuose, et plus "facile d'écoute". Aucun grincement.
Alors certes, les sièges couinent assez facilement au moindre changement de position. Mais tout semble une question d'attention. Le lendemain, le London Symphony Orchestra nous rendait visite : aucun grincement.
L'Entente cordiale
Quand j'avais évoqué ce concert avec mon professeur, au cours du nettoyage de flûte qui ponctue la fin de chacun de mes cours, il était étonné que le seul concerto pour flûtes de la saison pleyeloise réunisse sur scène Gallois et Bernold : "je crois qu'ils peuvent pas se supporter".
J'ai donc passé une bonne partie du concerto non seulement à profiter du talent indiscutable de ces deux solistes, mais aussi à tenter de déceler les signes du non-supportage présumé. Quatre années de différence, mais un contraste saisissant entre les deux bonhommes. Cheveux courts contre cardigan. Flûte en or contre flûte en ébène. Son clair contre son feutré. Peu de regards, il est vrai. Une accolade virile à la fin, pourtant.
Mais le plus intéressant n'a lieu qu'après le passage sur scène. A la fin de l'entracte, en fond d'orchestre impair, j'ai pu proposer des places à Patrick Gallois et son épouse, venus écouter la suite. A l'autre bout de la salle, Philippe Bernold et sa propre compagne s'installaient aux premiers rangs côté pair.
Pas de bis. Dommage, car j'aurai bien voulu voir s'ils se seraient risqués à l'intense moment de partage et de complicité qu'est la traditionnelle Badinerie de Bach, où les solistes se partagent une flûte...